mardi 17 mars 2009

Notre aïeul Jean Baptiste Vasuyt, reconstructeur de la chapelle Notre Dame du Fief, à Bailleul en 1804.

















En guise de premier article, voici le résultat de quelques recherches sur la relation de notre famille à la chapelle Notre Dame du Fief, à Bailleul.

Résumé : Jean-Baptiste Vasuyt, notre ancêtre, décrit comme un humble serviteur de la Vierge Marie, a reconstruit la chapelle Notre-Dame du Fief en 1804 après sa destruction par les sans-culottes pendant la révolution française. Elle fut détruite par les bombardements de 1918 et reconstruite après la deuxième guerre mondiale. C'est à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle chapelle que l'abbé Edmond Bernaert, notre oncle ou grand-oncle, fit une homélie que je retranscrirai ici. Il y mentionne avec émotion la grâce de son sacerdoce, peut-être une réponse à la grâce de notre ancêtre qui avait su garder la foi dans ces temps difficiles que furent la révolution. À la date de ce texte, commençaient à s'éveiller les peurs d'une troisième guerre mondiale entre le monde libre et le bloc communiste dans une France ravagée physiquement et moralement par la pire guerre de l'histoire de l'humanité.

  • Histoire de la chapelle Notre-Dame du Fief, dans un article parru dans le journal "La Bailleuloise" en octobre 1946, date de la dernière reconstruction.

Au XIIe siècle, un châtelain que l'on suppose être Baudouin III de Bailleul partit à la croisade en 1177 et promit de construire sur son fief (propriété seigneuriale) une chapelle en l'honneur de la Vierge s'il revenait en bonne santé. Ce fief s'étendait entre la rue des Foulons, la Becque et à peu de distance de l'actuelle route nationale Lille-Dunkerque. Baudouin fut exaucé et tint sa promesse. On ne possède aucun renseignement sur cette chapelle primitive qui ne parait pas avoir été plus importante que les nombreux oratoires disséminés sur le territoire flamand. Ce sanctuaire fut néanmoins dévasté par les "gueux" (révoltés protestants) dans la seconde moitié du XVIe siècle, mais les comptes-rendus et les inventaires des dégâts occasionnés par ces iconoclastes ne mentionnent pas la chapelle du Fief, ce qui confirme son importance relative. Cent années plus tard, en 1662, une jeune fille trouva dans un champ voisin une antique madone provenant sans doute du sanctuaire détruit par les gueux et la confia aux Jésuites qui avaient fondé un collège (l'ancêtre du collège de l'Immaculée Conception) dans la rue qui porte encore ce nom. La chapelle fut reconstruite, on ignore à quelle date, et la dévotion à Notre-Dame du Fief se développa de nouveau.

Louis XIV s'est il arrêté à la chapelle ? On a dit et écrit que Louis XIV, lors de son voyage en Flandre s'était arrêté à la chapelle du Fief pour y "accomplir ses dévotions". C'est une légende qui repose sur le lieu de réception du monarque. Celui-ci fut reçu le 26 mai 1671, au Calverdans (non loin de la chapelle Saint Donat, près de la route d'Hazebrouck) à l'emplacement même où la nouvelle chapelle est reconstruite. C'est sans doute faux, la route nationale Lille-Dunkerque n'existait pas, elle fut créée en 1750. Le Roi fut accueilli non pas par le magistrat et son conseil municipal, (les conseils municipaux n'ont été institués qu'après la révolution de 1789 et, sous l'ancien régime, le "magistrat" était la réunion des avoués, échevins et notables de la ville), mais par des personalités présentées par l'Avoué - on dirait aujourd'hui le maire. On ne sait pas si la chapelle du Fief avait été reconstruite. De toutes manières, content qu'après cette réception, Louis XIV et sa suite traversèrent la ville en fête pour aller diner dans une pâture du Nouveau-Monde (oui oui, près de la vieille forge !), près du Mont de Lille. Il ne visita pas l'église St-Vaast, ni même le couvent St-Antoine, route d'Ypres, célèbre dans tous les Pays-Bas.

Destructions et reconstructions. La chapelle fut détruite une seconde fois par les sans-culottes, lors de la révolution de 1789, avec l'approbation du curé constitutionnel Matthys. (Un curé constitutionnel est un curé qui ne dépend plus du Vatican, mais qui dépend de la toute nouvelle République française, née dans le sang et la terreur. Le curé constitutionnel Matthys remplaça le curé Ferdinand de Roo qui prit les routes de l'exil, il avait été curé de Méteren mais avait été chassé par les habitants à coups de jets de tomates pendant la messe...) Dans les premières années du XIXe siècle, un bailleulois, M. Vasuyt (orthographié Vansuyt dans l'article, je suis allé vérifier aux archives de Bailleul, il s'agit bien de Vasuyt) la fit reconstruire à ses frais, en briques blanchies à la chaux, avec soubassement noirci au goudron. Le toit était recouvert d'ardoises. Une double porte en bois ouvragé s'ouvraient toutes grandes lors des pélerinages. (Il est écrit qu'elle devint par héritage la propriété de la famille Bernaert) La chapelle du Fief connut aussitôt une popularité remarquable. Tous les ans, au 15 août, après une procession solennelle sortie de l'église St Amand (actuelle ruine, monument au mort français), on célèbrait une neuvaine fréquentée par de nombreux habitants de la ville et des environs. Le 21 août 1904 eut lieu la commémoration du centenaire de la reconstruction de la chapelle sous la présidence de M. le vicaine-général Lobedez. La dévotion ne cessa de prendre de l'extension jusque la guerre de 1914 qui vit la nouvelle destruction du sanctuaire. Ce paysage n'avait nullement un aspect semblable à celui d'aujourd'hui. L'usine à gaz et le terrain de sports remblayés en 1918 avec les débrits de la ville n'existait pas. En contrebas de la route s'étendaient de verdoyants paturages commandés par une ferme pitoresque dont seule la toiture émergeait du niveau de la chaussée. C'était une promenade agréable et très fréquentée. La route qui conduisait à la chapelle était large, dégagée de maisons et bordée d'arbustes le long de la becque. Les fidèles se massaient sur des bancs de bois, installés sous une voûte de feuillage. Un charme rustique planait sur cet ensemble. La chapelle du Fief, près de la becque, ressemblait à la grotte de Loudres, au bord du Gave.

Le nouveau sanctuaire. Il a fallu attendre près de trente ans pour reconstruire la chapelle une quatrième fois. Cet édifice, qu'on espère définitif, s'élève en bordure de la route d'Hazebrouck à l'entrée de la ville. les frais sont couverts par souscription publique. C'est un gracieux monument en style flamand de caractère unique dans la région. L'inauguration solennelle aura lieu le dimanche 22 septembre prochain. Dès maintenant le clergé prépare le programme d'un fastueux cortège historico-religieux qui fera sensation et dont nous reparleront.

  • Article relatant l'inauguration de la Chapelle de N.-D. du Fief, dans "La Bailleuloise" de la semaine suivant le premier article.

Il était peut-être possible de faire aussi bien, mais certainement impossible de faire mieux. Tel fut l'avis unanime des milliers de spectateurs accourus de tous les points de la région. Dans cet immense cortège, long d'un kilomètre, pas une faute de goût, une tenue irréprochable, une gravité sereine tant chez les figurants que chez les curieux aussi recueillis les uns que les autres. Un temps idéal a favorisé cette fête du Souvenir et de la Reconnaissance : on ne pouvait souhaiter mieux.

Les organisateurs ont vu leurs méritoires effots récompensés : le succès a certainement dépassé leurs espérances. Après le Congrès Eucharistique et le cortège historique d'entre les deux guerres, il est démontré une fois de plus que les manifestations à caractère historique, religieux et folklorique obtiennent les faveurs du grand public. - Le matin dans les deux paroisses, une grand messe fut célébrée avec le concours des chorales. Elle fut chantée à Saint Vaast par Monseigneur Delannoy.

À 15 h, le cortège historico-religieux s'ébranla de la rue de la gare. En tête marchait Baudouin, seigneur de Bailleul partant en Croisade avec ses guerriers tous à cheval et de fière allure. Venaient ensuite un char reconstituant la chapelle primitive qu'il construisit en exécution de son voeu : un nombreux groupe d'enfants costumés représentant les fils des croisés ; le char de la même chapelle détruite par les gueux au XVIe siècle et plus tard par les révolutionnaires de 1789. La deuxième partie représentait Bailleul sous l'occupation allemande : d'abord la Défense Passive : un groupe compact et discipliné de Sapeurs-Pompiers accompagnés de leur matériel, puis la Croix Rouge, les évacués de Dunkerque avec la statue de N.-D. des Dunes dirigés par le chanoine Marquis, les prisonniers portant une immense Croix, symbolisant leur calvaire, le char de la vie au Kommando d'un réalisme saisissant, un groupe d'A.P.G.

Puis suivait la Résistance : un char magnifiquement décoré d'un grand portrait du Général de Gaulle, de crois de Lorraine tricolores et montés par une République drapée dans un drapeau national, les réfractaires et déportés, le souvenir des morts des champs de bataille et de la résistance, un char surmonté d'un cénotaphe recouvert d'un drapeau et encadré de verdure d'un effet remarquable, suivi des familles éprouvées, l'harmonie municipale. C'était ensuite la partie religieuse : Bailleul en prières sous l'occupation. D'abord le communautés religieuses : les Filles de la Charité, les Soeurs de l'Enfant Jésus, les Soeurs Noires, les Dames de Saint Maur, l'Externat Saint Albert, le Collège (Immaculée Conception), etc... Enfin arrivait le char triomphal de N.-D. du Fief magnifiquement décoré. La Madone trônait un piédestal ayant à ses pieds une ravissante escorte d'anges. Le clergé accompagné d'une foule imposante de fidèles terminant ce cortège dans lequel figuraient en plus une quatité de groupe paroissiaux : Coeurs Vaillants, Ames Vaillantes, Scouts, etc... En cours de route, on prit au passage N.-D. de Foy (sur la breteche de l'Hôtel de Ville), de Hal (dans la chapelle du cimetière) et de l'Embrasement (rue du Musée) qui furent portés par de gracieuses jeune filles vêtues de bleu, de blanc et de rose, symphonie de couleurs tendres sous un ciel radieux.

Devant la chapelle, M. l'abbé Bernaert, enfant de Bailleul, prononça avec éloquence le sermon de circonstance. Il rappela l'histoire du voeu de Baudouin, relata les péripéties subies par la chapelle et son culte, se félicita de pouvoir en ce jour prendre la parole en pareille circonstance en sa qualité de descendant de J.-Baptiste Vasuyt qui releva le sanctuaire de ses ruines en 1804, et engagea la population à rester fidèle à la tradition léguée par leurs pieux aïeux et à développer la dévotion envers N.-D. du Fief, protectrice de la Cité. Puis, Monseigneur Lotthé bénit la statue et la chapelle. Le cort-ge se reforma et se rendit à l'église St-Vaast où, en présence d'une affluence extraordinaire, fut chanté un salut d'action de grâces.

Ce fut une journée réconfortante qui laissera un souvenir durable de cettte première grande manifestation religieuse publique d'après guerre. Nous formons le voeu qu'un jour prochain puisse être entreprise route d'Ypres, la reconstruction de la chapelle St-Antoine qui aux XIV et XVe siècle voyait accourir le pélerins de cent kilomètres à la rondeavec l clergé des vilages, leurs reliques et les insignes de St-Antoine, et fut le théâtre de miracles sensationnels qui popularisèrent le nom de Bailleul à un degré qu'on ne peut plus imaginer.

  • Après l'inauguration de la Chapelle de N.-D. du Fief. Allocution de M. l'abbé BERNAERT.

Messeigneurs, Messieurs, Mes Frères. La dévotion à N.-D. du Fief fait penser à ces torrents nés des pluies et des glaciers qui roulent un moment de la montagne pour s'engloutir soudain en un cours souterrain et puis loin par une claire résurgence sortir en un fleuve nouveau, en un fleuve nouveau qui plaine et va lentement là-bas se perdre dans la mer. Ce culte né dans l'imprécision des temps anciens se manifesta par les successifs affleurements d'une chapelle que construisait la Foi et détruisait le mal. Mais les eaux du fleuve demeuraient toujours vives, et c'est pourquoi aujourd'hui cette vie immprtelle parcequ'elle est l'amour du peuple chrétien à la Vierge reliant le passé au présent, s'épanouit à nouveau dans la fine merveille d'un petit temple amoureusement conçupar la piété d'un pasteur de chez nous, énergiquement par lui réalisé, artistement modelé en style de notre terrain sur notre terrain même, dans le cadre où jadis venaient prier nos ancêtres. Dans ces pierres se nouent notre présent de tourmente surmontée et inquétudes surblies toute au fil d'un passé d'héroisme et de christianisme agissant. Des brumes de ce passé, voici que surgit aujourd'hui la silhouette de ce seigneur qui prend départ pour la croisade. Qu'importe son nom : Sohier ou Baudouin : il est seigneur de Bailleul. C'est sans doute un rude homme, un flamand de notre race, guerrier et terrien tenace qui ne s'embarrasse pas de délicatesses et de discours , mais sous l'armure lourdre duquel bat un coeur généreux d'enfant. Puisque le Pape à lancé l'appel à la croisade, il partira, bien sûr ! L'idée est un peu folle, l'équipée sera longue, quatre ou cinq mille kilomètres, d'aller et de retour peut-être... car peu reviendront. Maisest-ce donc le succès qui compte et l'habileté de la campagne ? Non. Mais le geste magnifique de générosité, l'abandon de son château fort qui domine la région. il ne reverra plus le doux paysage de son fief, limité d'un côté par les monts boisés, de l'autre illimité sur la plaine flamande et l'Artois. Ce qu'il va quitter pour l'aventure de la Foi ce sont ses travaux, ses chasses, ses sujets. Mais quoi ? ceux-ci vont ils demeurer là ? Dans l'explication de leur Foi, ils suivront leur chef, non point tant pour lui, car ce peuple est frondeur, que pour Dieu qui le demande. peu leur importent comment la froide histoire des manuels jugera cette épopée, si c'en est une, et puisqu'ils sont décidés à faire à l'idée chrétienne ce sacrifice de leurs aides, de leurs affections, de leurs vie. Si pourtant, Madone, Reine de tout le Moyen-Age chrétien, la Notre-Dame Suzeraine de tous les Seigneurs, de tous les poètes, de tous les artisans, de tous les manants d'alors, si Notre-Dame pourtant ramenaiet Baudouin en son fief, si par l'une de ses anciennes rues au noms plus que millénaires : rue d'Occident, rue du Sud, qui vient d'Orien, rue St-Jacques qui vient de Compostelle en Espagne, le seigneur Baudouin, rentrant un jour en sa Flandre, oh ! alors, dans quelque coin préféré de son domaine, il bâtirait à Marie une petite chapelle et ele serait créée comtesse en so domaine, Reine en son fief : il en faisait le voeu. Et Marie, mar les monts et par les vaux, par les mers et les déserts, dans la bataille et le retour, Marie garda son serviteur. Dès 1271, l'année d'après le retour sans doute, s'éleva, contemportaine de nos plus anciennes cathédrales : Chartes, Paris, Reims, la petite chapelle de N.-D. du Fief, premier monument à la Vierge d'un seigneur préservé de la guerre. Et deux siècles passent où les calculs et les intérêts des hommes trahissent l'esprit des croisades s'entremêlerent. Une révolte fit sortir les bandits des bois, et confondant religion et politique, Eglise et structure sociale, les gueux brisèrent la chapelle. peut-être en se retisant devant l'invasion en deça des fossés du château, quelque fidèle voisin du sanctuaire avait-il emporté avec lui la précieuse statue. En tous cas, en 1662, comme une plante tenace qu'on n'a pas pu déraciner, refleurissait à nouveau un temple à la Vierge. La tornade révolutionnaire qui n'avait pas épargné les portails des grandes Notre-Damae emporta aussi le petit sancutaire, mais bientôt, en 1804, un simple chrétien qui avait su garder le coeur et l'esprit purs dans le déluge des idées creuses et la marée des gestes odieux eut la grâce de retrouver dans son pré la statue de la Vierge et la générosité de lui refaire un temple. Il méritait peut-être ainsi, qui le sait ? par sa foi restée vivace, et son amour de la Vierge, qu'à près de 150 ans d'intervalle, l'un de ses descendants directs reçut la grâce de la charge du sacerdoce, et vint aujourd'hui filialement rappeler son souvenir comme celui d'un serviteur de Marie. A cette période de l’histoire de la Madone, il est permis, mes frères, d’en appeler à vos souvenirs d’anciens. Dès notre enfance, vous nous avez conté comment, avant la grande guerre, vous alliez tous en pèlerinage à la Vierge du Fief. Dans toute la ville, quelque furent les opinions politiques, il n’y avait pas, nous disiez-vous, dix Bailleulois qui ne fissent leur neuvaine. C’était le soir, une incessante procession jusqu’au coin de prière. Vous aviez gardé cette merveilleuse confiance en la Vierge, ce goût pour la prière personnelle, sans ostentation, cette foi simple et sereine et forte de vos ancêtres. Et vous nous laissez songeurs, nous, vos cadets. « Il n’y avait pas dix Bailleulois qui ne fissent leur neuvaine. » Et voici que nous songeons à l’indicible ferveur des appels en détresse, à la douceur des confidences qui, huit siècles durant, vinrent battre les pieds de la Madone. L’antiquité de ce culte suivi auréolait la statut d’un halo de prières ancestrales et composait à la chapelle une atmosphère sacrée pour chacun de vous. Aussi, nous devinions votre désarroi quand, en 1919, regardant peu à peu les caves de Bailleul détruit pour la huitième fois, vous ne retrouviez plus les pierres mêmes de votre chapelle. La route du pèlerinage était pour vous comme un chemin familier qu’on est toujours tenté de prendre mais qu’on ne prend plus parce que l’âme n’est plus là. Son culte toujours demeurait vivant, mais ne risquait-il pas de s’étioler faute d’image ? La guerre et d’obscurs intérêts avaient donc mis le point final à N.-D. du Fief ? Non pas ! La petite flamme du sanctuaire brûlait dans certains cœurs. Ce jour en est la preuve. Car il y a ce jour : il y a le présent triomphal, ce cortège vivant. Il a fallu pour cela le sombre décharnement de la mort universelle, l’univers soudain embrasé, le rauque sifflement du train de bombes raclant les échos du ciel et venant s’abattre dans la fumée des destructions et la poussière de nos demeures. Le sort de notre cité, de notre nation, de la chrétienté même semblait désespéré. En un mois, 100.000 des nôtres avaient jonché les champs et les routes de France, tués au combat ou dans l’attitude prostrée du soldat sans armes et qu’on écrase. D’autres, en files lamentables, avaient pris le long chemin du long exil. D’autres encore avaient subi l’outrage le plus cruel de tous : la honte de la retraite qui ne s’arrêtait pas. Plus tard, nos villes continuaient de s’abattre dans un fracas de l’apocalypse. On arracherait les jeunes à leur foyers les forçant ainsi à un travail sans gloire ou à la vie traquées des réfractaires. Les esprits et donc les cœurs étaient déchirés, dressés les uns contre les autres, dans leur patriotisme même. On ne s’unissait que pour parer au malheur et les groupements et les mouvements formés alors avaient tantôt l’honneur de défiler devant la Madone et recevaient ainsi leur récompense. Comme au temps de Jeanne d’Arc : il y avait grande pitié au royaume de France. C’est alors que dans la pensée de M. l’archiprêtre naquit l’idée de renouveler le vœux du seigneur d’antan et d’ériger une nouvelle chapelle à la Vierge du Fief, si les prisonniers revenaient et si Bailleul était épargné. Exaucé au-delà des espoirs, le salut du moins offert à la France. Bailleul libéré sans coup férir, les prisonniers presque tous rentrés, le projet pouvait se réaliser, dût-il l’être au prix de difficultés insurmontables pour d’autres que nos pasteurs. Et c’est pourquoi cette fête est celle du souvenir dont ne sont pas exceptés les victimes volontaires ou involontaires dont les noms sont gravés si douloureusement dans certains cœurs. Et c’est pourquoi cette fête est celle de la reconnaissance pour la protection toute spéciale, humainement si peu explicable de Marie à l’égard de son fief. Souvenir et reconnaissance dans l’union car il plait ici de voir uni tout Bailleul derrière ses autorités : la Vierge n’excluait personne. Et c’est pourquoi s’élève cette petite chapelle, précieux joyau offert à Marie. Il n’en fallait pas moins pour abriter la nouvelle statue dont le charme moderne compense la rude antiquité de celle qui fut détruite. La Vierge se présente maintenant sous une nouvelle image, conçue, inspirée et offerte pas un prêtre de Bailleul dont la présence est un hommage à Marie et pour nous un honneur. Temple joli de Notre-Dame toute belle, fleur du souvenir et de la reconnaissance, sourire de notre joie retrouvée, gage de notre foi. Car la leçon de ce jour est une leçon de Foi agissante et de confiance en Marie. Certes, ils avaient la Foi des croisés qui partaient mourir pour elle. Or nous sommes de leur race. Tous n’étaient point de noblesse. Dans notre ascendance à tous, il y a sans doute un homme, artisan ou paysan qui, un matin a dit : « Femme, tu prendras garde aux bœufs, ou bien, à l’établi, et tu élèveras les enfants de ton mieux. Moi, je pars pour la Croisade. Allons ! couds donc une croix rouge à mon pourpoint. De ce géant de foi n’avons-nous point démérité ? Dans notre goût des petits calculs qui font passer l’intérêt et l’égoïsme avant la droiture et la loyauté, dans notre adulation de l’argent devenu la seule valeur qui compte et classe les hommes, dans nos petitesses dont chacune ne fait pas un très gros pêché, mais dont l’ensemble nous fait l’âme basse, dans notre horreur du sacrifice, notre ancêtre croisé a-t-il donc reconnu la haute statue de son idéal chrétien ? Dans la nonchalante piété de nos cantiques balbutiés, dans notre surdité aux appels de l’Eglise, dans notre désintérêt de l’apostolat chrétien auquel tous nous avons le devoir grave de travailler et d’autant plus que nous nous sommes élevés sur l’échelle sociale, dans notre tiédeur enfin, la Vierge a-t-elle donc reconnu le filial élan de tendresse, de confiance et d’ardeur de notre ancêtre croisé, qui clamait sa victoire par le cri : Notre-Dame, Mont joie ? Sommes-nous dignes de ceux qui entretenaient le culte de la Vierge et rebâtissaient son sanctuaire quant avait soufflé le vent mauvais ?La réponse serait inquiétante, s’il n’y avait ce jour et cette réalisation. Oh ! retenez-en, mes frères, la leçon. Gardez- dans vos yeux la vision de la chapelle rebâtie. N’oubliez pas dès aujourd’hui le chemin qui y conduit. Aux soirs sombres de vos dures journées, aux fins de vos semaines de lutte, n’iriez-vous pas en habits de travail peut-être tout simplement rendre visite à votre Reine, lui confier votre peine et parfois votre joie à cette fontaine jaillissante de grâce, boire un peu de douceur ?

O Reine, nous sommes trop attachés au présent plein de laideurs, réveillez notre Foi à l’Eternel Présent de l’autre vie. O Reine, nous sommes si las de lutter contre nous-mêmes et les influences mauvaises ; soyez pour nous le roc auquel se raccrocher. O Reine, nous avons peur, nous entendons, plus fort et plus fréquents toujours de sinistres craquements dans les colonnes maitresses de l’édifice social dont l’écroulement écraserait nos biens spirituels et matériels, nos joies réelles, nos libertés si chères. D’aucuns d’entre nous croient même entendre dans le lointain le sourd roulement des armes qu’on dispose. Nous craignons tout. Mais nous avons confiance, car vous êtes, tout de même, plus grande et plus forte que tout cela, parce que vous êtes, après le combat, la Reine de la Paix, l’étoile du matin, par qui se clôt la tempête. Vous êtes la Vierge puissante, la Tour d’ivoire, la Maison d’or, l’arche d’alliance.

Oh ! Notre-Dame de chez nous. Notre-Dame de notre Fief : Merci, et sauvez-nous encore. Ainsi soit-il.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

félicitations rémy
continuez
vous avez donc des bailleuloises?
joelle